Fin des temps, éternité et paradis

Bien sûr que vous posez quelques immenses questions en une seule. Peu importe!
nous allons essayer d'y voir clair, car elles ont un profond lien entre elles!

Pour aborder toutes ces questions, il y a deux points de vue auxquels on peut
se situer: soit regarder les choses avec distance, soit ce demander en quoi
ces questions me touchent. Ainsi je pourrais vous dire bien des choses sur l'influence
de l'islam sur nos représentations du paradis. Cette belle dissertation nous ferait
une belle jambe à vous comme à moi! Mais c'est malheureusement ainsi que l'on
réfléchit la plupart du temps.

Je vous propose dès lors de nous demander non pas ce qu'il faut penser de la
fin des temps, etc., mais de ce que signifie pour moi la fin des temps. Le temps
prends fin (ou le monde prend fin) pour moi au moment de ma mort. C'est pour
cela que je suis invité par le christianisme à être prêt, car après ce moment-là
je ne pourrai plus rien changer à ma vie. Ma mort est aussi en ce sens le temps
du dernier jugement porté sur ma vie.

Qu'est-ce maintenant que l'éternité ou plutôt, comme dit la Bible, la "vie éternelle"?
Ce n'est pas une absence de temps situé quelque part après le temps et après
la mort. C'est bien plutôt du temps plein, dans lequel je ne m'ennuye pas (car
l'éternité autrement c'est long surtout vers la fin). C'est du temps où je ne
m'angoisse pas de voir le passé irrémédiablement disparaître. C'est du temps
où l'avenir ne me destabilise pas et où je ne suis pas en souci à son égard.
C'est donc du temps que je puis vivre dans cette vie-ci. Mais cette vie d'une si
fantastique qualité, d'une si parfaite communion avec Dieu, je ne puis imaginer
qu'elle ne continue pas lorsque Dieu me ressuscitera "sur un autre plan de l'être,
à la lumière d'un autre soleil". Bien sûr que notre vie actuelle ne connaît
pas que des moments de vie éternelle. Angoisses, tourments, destabilisations
sont encore notre lot quotidien et pourtant Dieu nous donne de vivre déjà de
ces instants d'éternité.

Quant au paradis, imaginez ce que cela peut signifier quand on ne le prend pas
pour l'objet d'une théorie, mais qu'on le rapporte à nous-même, à notre vie.
Il ne peut s'agir d'un lieu où l'on serait récompensé, opposé à l'enfer où les
autres - toujours les autres pas nous! - seraient punis! Il ne peut s'agir du
jardin des délices sur lequel nous projetterions tous nos fantasmes... Il faut
que ce soit quelque chose que nous pouvons déjà vivre - au moins en certains
instants - dans cette vie-ci. Il s'agira exactement de ce que nous avons appelé
"vie éternelle ci-dessus". On peut parler de communion avec Dieu. On peut parler
de plénitude de vie. On peut en parler encore de mille autres manières.

Et alors le retour de Jésus là-dedans, qu'est-ce que cela signifie ? Imaginons
la situation de ceux qui ont les premiers parlé du retour de Jésus à la fin
des temps. Ils souffraient fondamentalement de son absence. Ils aspiraient à
retrouver une authentique communion avec Lui, puisqu'il représentait à leur yeux la présence
de Dieu. Cette communion avec le Christ ou avec Dieu peut se vivre intérieurement
dans cette vie-ci déjà. Le Christ revient quand il fait irruption dans ma vie
par sa parole. Lorsque ce monde aura pris fin pour moi et que, de mort, j'aurai
été ressuscité, ma communion avec lui sera plénière.

Alors est-ce qu'il y aura un "vrai" retour du Christ et une "vrai" fin du monde
? Tout dépend de savoir comment vous comprenez le mot "vrai". Je crois deviner
que vous voulez dire: "Est-ce qu'il y aura réellement un événement extérieur
à nous-mêmes, universellement constatable?". Mais là on achoppe à quelques difficultés.
Par exemple, comment sera-il possible, vu la rotondité de la terre, pour les
australiens et pour les européens de voir Jésus "revenir de la même façon que
vous l'avez vu aller vers le ciel" (Actes des apôtres 1,11) ? Je crois par contre
que Jésus revient vraiment dans ma vie quand sa parole retentit en moi. Je crois
que ce monde prendra réellement fin quand je rendrai mon dernier soupir. Voilà
comment je transcris personnellement les textes de la Bible qui nous parlent parfois
de la fin des temps de manière un peu trop objective (comme quelque chose que
je peux tenir à distance de ma vie).