Offense et pardon
je m'interroge sur la profondeur des mots et le sens de cette phrase.
1) si je me sens offençé, ou si je ressens que quelqu'un a une dette à mon égard, c'est que j'ai un sérieux problème d'orgueil, un manque d'humilité profond. Le problème est en moi, pas en l'autre!!! le pardon est alors stupide,illusoire.
2) pardonner à l'autre voudrait dire que je juge l'autre! tout au plus, j'ai le droit de ressentir que son acte m'est offençant, que son acte n'est pas juste; Si son acte est injuste, ou plutôt si je le vois injuste, c'est lui qui l'a commis et qui se trouverait donc en difficulté: là aussi le pardon est donc une illusion.
la compassion seule serait bien séante
3) Si pardonner consiste comme je le crois à me verticaliser, à me remettre dans une plus haute energie d'amour envers Dieu, envers l'autre, envers moi-même, envers la vie, alors, si tel en est le sens de cette phrase, pourquoi ne pas la modifier?
Là où il y a l'offence, que je mette le pardon disait également St François.
Je suis toutefois persuadé que quelquechose m'échappe et vous demande donc votre aide à ce sujet. merci d'avance de bien vouloir m'éclairer.
Réponse
1) Il
s’agit de distinguer entre offense et sentiment d’offense. Je peux me sentir
offensé ou agressé alors que je n’ai aucune raison de l’être. Poussé à
l’extrême cela s’appelle la paranoïa. Mais, je ne puis pas prétendre que
jamais, on me porte offense, ou que toute offense à mon endroit ne devrait pas
m’atteindre ou m’affecter. Ce serait aussi faire preuve d’un orgueil démesuré.
Oui je
puis être blessé par une parole méchante ou calomniatrice. Je peux être offensé
par quelqu’un qui a commis un méfait contre moi, m’a blessé physiquement, ou
qui m’a volé, trompé, menti. Comment ne pourrais-je pas être affecté dans le
cas où une personne porte atteinte à la vie de mon enfant ? Ce serait non
seulement faire preuve d’orgueil mais aussi d’une insensibilité glaciale, toute
aussi meurtrière que celle de l’offenseur.
2) Oui,
nous avons le droit d’être en colère dans une situation d’injustice, de juger
et demander que justice soit faite. La colère dans un premier moment permet de
distinguer le méfait de la personne : je ne suis pas réduit à ce que
l’on m’a fait. C’est
donc une façon de mettre à distance l’offense. Mais bien sûr si la colère
perdure et se transforme en haine, comme celle de Caïn, elle ne peut
qu’engendrer une situation de mort. La réaction permet aussi de ne pas réduire
l’offenseur à sa faute. « Il n’est pas sa faute, mais il est une personne
qui a commis une faute. » Ainsi est-il préférable de dire : cette
personne a commis un vol,
plutôt que de dire : c’est
un voleur.
Il est
capital de dénoncer un mal subi par l’un, qui est un mal commis par l’autre. Et
suivant la gravité de la situation de déposer plainte pour que justice soit
faite par les institutions judiciaires. Le mal doit être reconnu comme tel et
le coupable jugé pour son méfait afin qu’il puisse s’en séparer. L’aveu de la
faute commise est nécessaire pour aller sur un chemin de reconstruction et de
réconciliation. Pour des personnes gravement blessées, l’absence d’aveu est
toujours très lourde. C’est généralement à partir de l’aveu qu’un travail de
pardon peut commencer pour l’offensé. Il arrive aussi que le pardon soit donné
sans l’aveu du coupable. Le pardon pourra alors, éventuellement, aider
l’offenseur à reconnaître sa faute, à
s’en distinguer et à demander pardon à son tour. Un pardon trop vite
annoncé est une façon d’atténuer la faute, de l’excuser au point d’empêcher un
chemin de délivrance. « C’est trop facile de dire pardon ! »
diront certains ! Ce peut être aussi une forme de mépris : moi,
dans ma grandeur, je te pardonne ! Le pardon n’est pas un acte d’orgueil mais une offre de
changement possible, une offre vers une reconstruction, une ouverture vers un
avenir renouvelé, et peut être vers une réconciliation. Alors que le non-pardon
peut enfermer dans le jugement destructeur, le remord, l’amertume ou la haine.
3) Dans
la prière du « notre Père », nous disons : « Pardonne-nous
nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». « Nous pardonnons, c’est-à-dire
que nous sommes dans un chemin de pardon. Et ce chemin peut être long, cela
dépend aussi de l’importance du mal commis. L’offensé a besoin de temps pour
pouvoir pardonner. Il faut du temps pour pouvoir prendre la mesure de ce qui a
été détruit en soi par l’offenseur, et il faut du temps pour se reconstruire.
Pardonner trop rapidement, c’est ne pas permettre la claire distinction entre
mal subi et mal commis, car, subtilement, il peut y avoir intrication entre les
deux. Je pense par exemple, aux personnes qui ont subi une atteinte à leur
intégrité corporelle, à l’abus subi dans l’enfance ou au viol. Souvent un
sentiment de culpabilité ronge la victime alors qu’elle n’est que victime et en
rien coupable. Pouvoir pardonner n’est en rien excuser le mal commis, c’est
d’abord pour l’offensé de ne pas se réduire au mal subi et de trouver une paix pour soi ; et pour
l’offenseur c’est lui donner la possibilité de changer.
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